2. Réexaminer les fonctions de la ville à travers un « prisme interculturel. Conseil de l’Europe la cité interculturelle pas à pas
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La cité interculturelle pas à pas prendre les mesures qui s’imposent ? Y a-t-il dans la ville des institutions susceptibles d’aider les habitants à régler leurs différends ?
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Exemples
A Turin (Italie), la Casa dei Conflitti est la solution pour régler les problèmes de voisinage
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.
A Vic (Espagne), une équipe de 10 « médiateurs de rue » traite les petits problèmes de voisinage et cherche à engager la conversation avec les habitants, dans la rue et dans les lieux publics, concernant leurs préoccupations liées à l’arrivée d’étrangers, les changements qui interviennent au sein de la communauté d’accueil et le rôle de cette dernière dans le processus d’intégration.
Les écoles de Neukölln qui se trouvent dans des zones de développement spécial
(gestion urbaine de proximité) se sont dotées de programmes de médiation. Il est en effet important, tout particulièrement dans ces établissements, que les élèves apprennent l’autonomie et un comportement socialement responsable. L’accent est mis sur l’enseignement d’attitudes positives envers la tolérance, la non-violence, la solidarité, la considération, la force morale et le sens des responsabilités. Des mesures de prévention de la violence sont intégrées dans le régime des établissements.
4. La formation linguistique
Investir fortement dans la formation linguistique afin que tous les migrants puissent tenir une conversation dans la langue majoritaire, mais permettre également aux locuteurs majoritaires d’apprendre les langues minoritaires ou de se familiariser avec elles, donner une visibilité renforcée à ces langues et favoriser leur reconnaissance dans l’espace public.
L’apprentissage de la langue du pays hôte est essentiel pour l’intégration des migrants.
Cependant, l’approche interculturelle de la langue repose également sur d’autres considérations. Cela implique de voir la langue comme une ressource utile dans les relations économiques, culturelles et scientifiques, ainsi que pour les évolutions à venir dans un monde interconnecté. La langue est une composante essentielle de l’identité.
63. http://urbact7.urbact.eu/fileadmin/subsites/euromediation_securities/pdf/03maisondesconflits-turin.pdf.
Eléments d'une stratégie interculturelle
Dans les villes non confrontées à la réalité de l’immigration mais qui comptent une ou plusieurs minorités nationales (ou bien n’ayant pas de population clairement majoritaire), l’approche interculturelle requiert de respecter d’une manière égale toutes les langues en question et d’encourager l’apprentissage mutuel par-delà le fossé linguistique. Dans les villes où de récents flux migratoires ou commerciaux ont apporté des langues entièrement nouvelles parlées par une importante minorité de la population
(comme l’espagnol dans certaines villes américaines), on peut prendre la mesure de l’interculturalisme en voyant à quel point la majorité est prête à adopter ces langues dans la vie quotidienne.
L’école est un facteur clé de promotion du multilinguisme. A une époque placée sous le signe de la diversité, l’école devient un lieu où peuvent coexister des dizaines de langues d’origine différentes héritées par les enfants. L’école peut favoriser la sensibilisation aux langues en puisant des exemples dans ces répertoires plurilingues, contribuant ainsi à abolir le classement de facto entre les langues occidentales « nobles » et les langues moins
« nobles » ou moins « utiles » du monde non occidental. Un tel classement, contraire à l’approche interculturelle qui refuse d’établir une hiérarchie entre les cultures et les
langues, est en outre totalement en décalage avec l’importance grandissante prise par les langues des économies émergentes, sur les plans économique et culturel.
La sensibilisation aux langues peut être mise en œuvre pour toutes les langues étrangères, mais il semble logique de se concentrer sur les langues maternelles et les variétés linguistiques déjà présentes en classe (par exemple, chanter des chansons, compter, dire les jours de la semaine dans différentes langues, portfolio des langues). Une attitude positive envers la diversité linguistique peut favoriser une meilleure compréhension entre les enfants en classe et à l’école. Cela contribue en outre au bien-être et au développement de l’identité des apprenants dont la langue de scolarisation n’est pas la langue première. Grâce à cette approche, en effet, ces enfants se sentent encouragés
à exprimer leurs idées, leurs opinions et leurs sentiments dans leur propre langue.
L’attention accordée à la langue d’origine renforce son statut et leur permet de mieux la maîtriser. Cela favorise l’amour-propre et, indirectement, la motivation et le désir d’apprendre, qui se traduisent par une amélioration des résultats scolaires.
Ces principes sont applicables à la fois aux enfants et aux parents. La sensibilisation aux langues peut constituer un instrument de première importance pour accroître la participation de ces derniers. Lorsqu’ils participent, ils sont considérés comme des
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La cité interculturelle pas à pas experts dans leur langue d’origine, tout comme leurs enfants. Cette reconnaissance les récompense et contribue à renforcer leur confiance en eux lorsqu’ils dialoguent avec des membres de l’équipe pédagogique. Voir que leur langue est prise en compte et appréciée peut encourager les parents à aider leurs enfants dans leurs devoirs en utilisant leur langue d’origine. L’argument classique selon lequel il faut absolument maîtriser la langue du pays d’accueil (par exemple le néerlandais aux Pays-Bas) pour ce faire est démenti par les faits.
Entre la sensibilisation aux langues et l’éducation plurilingue, bien des possibilités demeurent inexplorées. Toutes ces potentialités pourraient être qualifiées d’« apprentissage plurilingue fonctionnel ». Dans cette approche, l’école met à profit le répertoire plurilingue des enfants pour dynamiser l’acquisition des connaissances. La langue maternelle et les variétés langagières employées par les enfants peuvent être vues comme un capital explicitement utilisé pour améliorer la réussite scolaire et l’enrichissement personnel. La langue première peut servir de tremplin pour l’acquisition de la deuxième langue et de nouveaux contenus d’apprentissage. Dans le cadre de cette approche, l’enseignant encourage les apprenants à s’entraider dans l’exécution d’une tâche (pour reprendre l’exemple des Pays-Bas, expliquer quoi faire à un nouvel
élève qui ne maîtrise pas le néerlandais) ou dans la préparation des travaux de groupe.
Cela demande une certaine méthode de travail : l’environnement d’apprentissage doit permettre une interaction régulière entre apprenants et la formation ne doit pas être entièrement dirigée par l’enseignant. Pendant ces moments interactifs forts, les compétences langagières des élèves aident à résoudre un problème mathématique ou à exécuter une tâche en physique
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.
Questions à se poser : Dans le cadre des divers efforts d’information du public, notamment dans le contexte des services sociaux, la traduction des informations dans les langues minoritaires constitue-t-elle un encouragement ou, au contraire, un obstacle à la maîtrise de la langue majoritaire ? Les services offerts pour faciliter l’apprentissage de la langue du pays d’accueil sont-ils assortis d’incitations psychologiques à s’investir dans cette démarche ? Y a-t-il des mesures ou des initiatives, éducatives ou culturelles, visant à promouvoir la reconnaissance des langues des immigrés et des communautés
64. Sierens S., Van Avermaet P., Language diversity in education: evolving from multilingual education to functional
multilingual learning, Centre pour la diversité et l’apprentissage, université de Gand.
Eléments d'une stratégie interculturelle minoritaires ? La ville compte-t-elle des quotidiens, des magazines ou des émissions de radio ou de télévision locaux dans des langues autres que celle de la population majoritaire ?
Exemples
Les bibliothèques qui fournissent des livres dans diverses langues parlées dans le monde et multiplient les initiatives pour recruter des lecteurs dans les quartiers avoisinants donnent une chance aux parents n’ayant pas une bonne maîtrise de la langue du pays d’accueil d’affirmer leurs compétences, leur rôle éducatif et leur autorité en faisant la lecture à leurs enfants dans la langue de leur pays d’origine.
A Lyon, dans le cadre de la biennale d’art contemporain, des cours accélérés de langue sont organisés afin que les immigrés présentent leur langue à d’autres. Cette initiative est une reconnaissance symbolique de l’importance de ces langues pour la communauté.
A Neukölln, pendant les « Semaines des langues et de la lecture », des personnalités et des citoyens « ordinaires » donnent vie à des textes multilingues dans le cadre de plus de 400 lectures publiques. Plus de 30 000 personnes du monde entier sont susceptibles d’être touchées par l’organisation de lectures et de tournois de poésie
(Poetry Slam). La motivation principale du projet est de faire découvrir la beauté de toutes les langues du monde. L’initiative, fondée sur l’engagement citoyen, vise à encourager la lecture et la communication interculturelle.
5. La stratégie médias
Définir une stratégie commune avec les médias locaux et, le cas échéant, avec les
écoles de journalisme afin de recueillir et de présenter les informations dans un esprit responsable et interculturel, d’assurer une présence équilibrée des migrants et des minorités dans les médias, et de renforcer les médias de proximité.
Quelques éléments importants à prendre en considération concernant le discours public et la déontologie des médias :
• définir et communiquer les messages clés du programme Cités interculturelles à l’échelon local ;
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La cité interculturelle pas à pas
• améliorer la compréhension, la compétence et les aptitudes interculturelles des professionnels des médias (tout particulièrement des rédacteurs et des journalistes) ;
• faire en sorte que les champions interculturels et des personnalités essentielles de la ville puissent jouer le rôle « d’ambassadeurs » et de porte-parole auprès des médias concernant les questions interculturelles ;
• organiser, au moment des temps forts du programme, des événements « catalyseurs » afin de retenir l’attention des médias et de susciter des débats publics autour de l’interculturel ainsi que des « débats critiques », qui seront autant d’occasions d’aborder des questions complexes et sensibles avec la participation d’experts et autres, pour sensibiliser les médias à l’interculturel et en finir avec les préjugés.
Actions en lien avec les médias : Le travail en direction des médias est une dimension spécifique et très réussie du programme Cités interculturelles. Des réunions avec les journalistes sont toujours organisées pendant les réunions d’experts afin de leur faire comprendre le concept de la cité interculturelle et de les inviter à devenir des partenaires en vue d’atteindre les objectifs. La méthode du reportage croisé avec des équipes internationales (pendant quelques jours, des équipes mixtes de journalistes préparent des reportages écrits, radio ou télévisés sur certaines questions inter culturelles puis les présentent lors d’une audience publique) a remporté un franc succès tant auprès des villes que des journalistes, pour qui de telles expériences sont toujours riches d’enseignements.
Les médias locaux doivent participer activement au projet ICC et ne pas se limiter à un simple rôle d’information. Dans l’idéal, cela veut dire qu’ils doivent être représentés au sein de la task force, ou au minimum au sein du réseau d’appui. Il doit au moins y avoir des conversations régulières avec les médias concernant la progression du projet.
En même temps, les villes doivent aborder certaines des causes profondes à l’origine du traitement déséquilibré de la diversité par les médias. A tous les niveaux
(propriétaires, rédacteurs en chef, rédacteurs et journalistes), les médias grand public ne réservent pas suffisamment d’espace pour un dialogue ouvert sur des questions autour des langues, des races, des croyances, de l’ethnicité, du genre et d’autres enjeux de la diversité. Une ouverture est nécessaire à deux égards : au niveau des contenus
(dans la plupart des cas, le contenu des médias ne reflète pas la diversité sociale existante), et au niveau du recrutement (les effectifs des organisations médiatiques sont moins diversifiés que leur audience).
Eléments d'une stratégie interculturelle
Une stratégie globale des villes en faveur de la diversité dans les médias peut prévoir des actions dans les domaines suivants :
• le suivi des médias ;
• la formation à la diversité en milieu de carrière et perfectionnement professionnel ;
• les reportages sur la diversité ;
• la formation au journalisme et aux reportages sur la diversité et l’élaboration des programmes ;
• l’appui des médias aux organisations de la société civile et aux communautés marginalisées ;
• un prix interculturel décerné aux médias.
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Pour aller plus loin : Media diversity concept
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6. Doter la ville d’une politique internationale
La cité interculturelle idéale serait un lieu cherchant activement à nouer des liens avec d’autres lieux dans l’intérêt du commerce, des échanges de connaissances, du tourisme, etc. Elle serait une ville lisible, accueillante et accessible pour les étrangers (qu’ils soient là pour affaires, pour le tourisme ou en tant que nouveaux habitants), offrant des possibilités de relations commerciales, professionnelles et amicales.
La stratégie interculturelle d’une ville devrait :
• affirmer que la ville est à la fois ouverte aux idées et aux influences extérieures, et désireuse de faire connaître sa propre identité ;
• nouer des liens politiques et commerciaux indépendants avec les pays d’origine de sa population minoritaire ;
• développer de nouveaux modèles de citoyenneté locale et mondiale.
65. www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/Cities/mediapack.pdf.
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La cité interculturelle pas à pas
Questions à se poser : Quelle est l’image de la ville vue de l’extérieur ? Est-elle considérée comme cosmopolite et ouverte aux personnes extérieures ? Comme un lieu
à visiter ? Comme un lieu propice au commerce et aux investissements ? Parmi les habitants, combien pensent que l’apport des étrangers est avantageux pour la ville ?
Combien pensent que les influences étrangères menacent la culture locale ?
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Exemple
Lublin (Pologne) a ouvert un Centre eurorégional d’information et de coopération culturelle, baptisé « De plus en plus près », en vue de soutenir en permanence la coopération culturelle transfrontalière entre Lublin, Lutsk, en Ukraine, et Brest, au
Bélarus. Le centre dépend de la municipalité de Lublin. Il joue un rôle important dans le rapprochement des institutions et organisations culturelles des trois villes,
à travers l’échange d’informations sur les manifestations culturelles en cours et l’organisation de projets transfrontaliers.
Pour aller plus loin : « Internationalisation of OPENCities »
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7. Une approche fondée sur des données factuelles
Instaurer un organisme de type observatoire de l’interculturalisme, ou du moins lancer les processus suivants :
• recueillir des exemples de bonnes pratiques, dans la ville et ailleurs ;
• recueillir et analyser des données et informations locales ;
• mener des recherches sur les interactions entre cultures dans la ville ;
• définir des indicateurs de l’interculturalisme et en suivre l’évolution ;
• fournir des orientations et une expertise aux organismes locaux et faciliter les réseaux d’apprentissage au niveau local.
66. http://opencities.britishcouncil.org/web/index.php?internationalisation_en.
Eléments d'une stratégie interculturelle
Comme toute autre politique, les politiques interculturelles devraient être fondées sur des données factuelles. Une ville ne peut être « interculturelle » si elle ne connaît pas ses habitants, leur diversité, leurs modes de vie et leurs formes d’interaction. Un observatoire interculturel analyse les données existantes sous un angle inter culturel.
Il repère également les domaines dans lesquels les connaissances de la ville sont
lacunaires et conçoit, le cas échéant, de nouveaux types de données et d’analyses afin d’avoir une vision plus fine et plus claire de la situation. L’ « audit interculturel » ainsi
établi sert de support à l’élaboration d’une stratégie de gestion de la diversité.
Cartographie numérique
L’un des instruments développés plus récemment et qui offre d’excellents résultats dans la gestion des politiques publiques, y compris dans le domaine des relations interculturelles, est la cartographie numérique d’un territoire.
Barcelone a utilisé cette méthode pour élaborer des politiques dans le domaine de la gestion des migrations et de l’interculturalité. Il y a quelques années, le conseil municipal a demandé l’élaboration d’un portail web permettant la cartographie de différents types d’informations liées à l’immigration, aux pratiques culturelles, aux lieux et aux organisations pertinentes.
Le résultat a été le portail sur l’immigration de Barcelone – un outil précieux pour visualiser et mieux comprendre les changements démographiques intervenus ces dernières années.
Le portail se présente comme un plan de la ville et permet la recherche d’informations
à partir de multiples variables qui s’appliquent à différentes échelles territoriales : au niveau de la ville, d’un district ou d’un quartier.
Les informations qui peuvent être affichées sont très diverses. Sont notamment fournies des données statistiques concernant le profil de la population par nationalité : nombre de personnes, lieux de résidence, âge, sexe, nombre de naissances, etc.
Par ailleurs, la carte contient un grand nombre d’informations relatives aux associations d’immigrés, aux organisations qui s’occupent du dialogue interculturel, aux centres de culte des différentes confessions et aux principales institutions et organisations dans les domaines du social, de l’éducation, de la culture et de la santé.
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